"On n'est pas condamné à se battre pour le maintien en Ligue 2"

Il est celui qui vous fait vivre toutes les rencontres de Nancy à la radio sur Ici Sud Lorraine depuis de nombreuses saisons. Johan Gand revient pour Fans of Nancy sur la saison qui vient de s'écouler. Il évoque aussi Pablo Correa, la Ligue 2, la communication du club en toute franchise. Entretien.

Commençons par une image. Tu es sur la pelouse de Marcel Picot pendant le tour d'honneur des joueurs après le match contre Rouen ? Qu'est-ce que tu ressens à ce moment-là ?

Du soulagement et puis beaucoup de bonheur pour tous ces gens qui sont accrochés, qui ont continué à être là, qui ont continué à être fidèles, à soutenir. En faisant le tour, je me suis rendu compte en regardant mes images que j'avais quasiment autant la caméra sur les joueurs que sur les gens. Et en regardant les gens et en voyant tout le monde sourire, en voyant les tribunes avec des gens de tous les âges, des enfants, des familles et tout, je me suis dit que ces gens-là avaient bien galéré pendant ces trois années-là à voir des trucs parfois vraiment pénibles, à voir une situation qui a failli être dramatique. Je crois que c'est surtout ça, un soulagement pour le public qui l'a vraiment mérité.

Si on rembobine un peu, tu as suivi pratiquement tous les matchs de l'ASNL en National. Quels souvenirs garderas-tu de ces trois années passées au troisième échelon du football français ?

J'ai vraiment du mal à me le sortir de la tête le 3-3 à Bourg-en-Bresse, en 2023. La fin de match où sportivement, on savait que ça ne suffisait pas. Et puis derrière, les incidents en tribune et là je me suis dit 'bon là on a touché le fond'. Je remets tout ça en perspective aujourd'hui en souriant un petit peu. Mais je sais qu'on est passé à deux doigts de plus rigoler du tout donc c'est pour ça que je le ressors en premier. Ensuite, la place Stan après Nîmes et le lendemain de Rouen. Là je me suis dit : 'la purge est finie'. J'avais l'impression qu'on était revenu dix-quinze ans en arrière et que le club était revenu sur de bons rails. Et qu'on était reparti !

"J'avais l'impression de commenter de la R1 ou de la R2"

Tu en as vu de toutes les couleurs en National, quel est ou quels sont les déplacements les plus folkloriques ?

Quand je suis arrivé au stade du Goal FC, je me suis dit : Ah le National, c'est ça'. Il y avait des tribunes faites avec des palettes en bois un peu à l'arrache où on essayait de s'agglutiner là dedans. Tu regardes autour il n'y a pas un immeuble, il n'y a que des champs et franchement à ce moment je me suis demandé si je tiendrai longtemps dans ce championnat là. J'avais l'impression de commenter de la R1 ou de la R2, totalement dans l'anonymat.

Le ou les joueurs clés de cette saison ?

Maxence Carlier et Teddy Bouriaud. Parce que je trouve que ça a été la clé de l'équilibre de cette équipe. Alors évidemment il y a Aliou Thiaré parce que ça a été une révélation, mais je pense aussi que la complémentarité avec Nicolas Saint-Ruf y est pour beaucoup. Alors que pour Carlier et Bouriaud, c'est vraiment des gars qui ont été des régulateurs et qui en plus ont été décisifs par moments. Je me souviens d'un sauvetage de Carlier sur la ligne. Je me souviens de Bouriaud contre Sochaux, il met le but du titre sur coup franc, et ça faisait un paquet de temps que ça ne nous était pas arrivé. Et puis surtout les qualités des gars, les qualités humaines : c'est humble, ça ne râle pas, ça travaille, ça fait des efforts, ça ne se prend pas pour d'autres. Pour moi, ce sont les joueurs de foot parfaits.

"Pablo est d'une humilité, tu peux parler foot avec lui pendant des heures"

Le personnage de cette saison, et plus largement du club, est inévitablement Pablo Correa. Quelle est ta relation avec lui ?

Très bonne. À partir du moment où tu discutes foot avec lui, ça peut être sans fin. Je ne veux pas citer de noms, mais je pense que tout le monde verra un petit peu qui je cible, il y a certains entraîneurs quand tu discutes avec eux, ils te disent que tu n'es pas entraîneur de foot, que tu ne viens pas trop discuter avec moi de mon métier, de mes choix. Pablo est d'une humilité… Quand tu lui dis 'pourquoi ?', il t'explique tout. Mais c'est un gars qui pue le football. En plus, il est hyper concentré sur comment tirer le meilleur du groupe. Parce que même si t'as un groupe réduit, tu sais que tu vas faire des mécontents. Quand c'est lui qui explique les raisons, quand t'es joueur, tu te tais parce qu'il y a une espèce d'autorité naturelle. Quand il y a commencé à y avoir des problèmes sur les attitudes, en deux semaines c'était réglé. En plus, il a beaucoup analysé le championnat avant de revenir. Il a gagné une Coupe de la Ligue et des titres en Ligue 2, il aurait pu se dire c'est bon, mais il a compris les spécificités du championnat. Il a les clés, et son duo avec Adrian (Sarkisian), qui est hyper important.

Justement, on ne parle pas souvent du rôle d'Adrian Sarkisian. Comment son rôle s'articule-t-il avec Pablo Correa ?

Pour moi, c'est vraiment un duo. Tu sens qu'Adrian doit beaucoup bosser en amont sur la préparation, sur les vidéos aussi avec l'analyste vidéo (Cyprien Holzhammer) qui était là cette année et qui a fait du très bon boulot. Tu sens que c'est bien préparé. Donc Adrian donne les grandes lignes à Pablo, et après lui voit ce qu'il peut en faire. Pendant le match, là où Pablo peut être un peu sanguin, Adrian est un peu plus posé. Il peut alors venir lui dire, là tu trouves pas, en 2-3 mots trouver la solution et apporter ce recul. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est le feu et la glace, mais pas loin et ça donne un super équilibre entre les deux.

"La communication ça doit être réactif, chez nous ça ne percute pas"

Depuis de nombreuses années, le club est en difficulté dans sa communication, avec un budget réduit, et de représentation, sans président titulaire. À quel point cela impacte ton travail ?

C'est très, très compliqué. Parce que quand tu ne frappes pas à la porte principale, tu passes par l'entrée des artistes pour imager. Donc quand tu n'as pas quelqu'un qui est une personne ressource, que tu peux appeler généralement, un responsable de la communication ou quelqu'un comme ça, c'est très compliqué parce que t'es obligé d'aller chercher les infos ailleurs. Le sportif, il n'y a aucun problème t'appelles Pablo ou Michaël (Chrétien, directeur sportif), ça répond tout de suite ou très rapidement. Quand je sollicite Krishen Sud, la réponse est hyper rapide, mais si c'est pour ne rien dire, je ne l'appelle plus. Ça communique peu, pas souvent et pas pour te dire des choses intéressantes. Par exemple, on avait demandé s'il allait être présent physiquement à la réunion de la DNCG, on nous a répondu : 'le club ne préfère pas communiquer là-dessus'. Ne pas communiquer, c'est pire que de mal communiquer, en général. Le président veut tellement maîtriser la communication que tout est très verrouillé et donc ça impacte notre boulot au quotidien.

Au-delà de ça, il faut vraiment que ça change, parce que je pense qu'il y aura toujours cette défiance vis-à-vis du club, tant que ce sera incarné par des personnes qui font tout pour que ce soit flou, et quand c'est flou c'est qu'il y a un loup. Il faut les gens aux bonnes places, pour rassurer sur des choses toutes bêtes. Communiquer sur la date de la DNCG, les péripéties autour des huis clos, on avance, mais le temps qu'il a fallu pour annoncer que l'on faisait appel, c'est long. Aujourd'hui, la com' ça doit être réactif, et chez nous ça ne percute pas quoi.

Le National permet une plus grande ouverture aux médias de tous types. Comment vois-tu l'émergence de ces comptes amateurs qui ont investi les tribunes de presse ?

Alors, je sais que je ne vais pas me faire que des amis dans la profession, mais si on ne commence pas, à un moment donné, la carte de presse on ne l'aura pas. Il faut aussi laisser les portes un peu ouvertes. Je vais m'avancer un petit peu sur le fait que je pense que l'année prochaine, même si on est en ligue 2, la tribune de presse ne sera pas pleine, la salle de presse ne sera pas pleine non plus. La médiatisation du club fait qu'aujourd'hui, il y a certains jeunes qui s'informent sur l'ASNL plus forcément par les canaux traditionnels. Donc, il faut aussi qu'il y ait quand même des règles journalistiques qui soient préservées. Et pour ça, c'est bien aussi qu'il y ait un syndicat qui veille à ce qu'on fait.

Maintenant, je te dirais que tant qu'il n'y a pas de problème de surcapacité ou de sous-capacité, bon, laissons quand même la chance à ceux qui veulent débuter, à ceux qui bossent, de faire du travail sérieux ou pas. Pour moi, le seul truc qui doit déterminer l'existence ou pas d'un média, c'est est-ce que les gens te lisent, te regardent, trouvent que ce que tu fais, c'est pertinent ou pas. Si tu commences à annoncer n'importe quoi et qu'une semaine après, tu es complètement démenti et que tu as annoncé n'importe quoi, les gens vont se barrer. Je pense que tout le monde a sa place et qu'il faut être quand même assez souple là-dessus. Moi, je l'ai vécu quand j'ai commencé ma carrière de journaliste où des fois ça a été compliqué, où j'ai galéré pour avoir des trucs. Si on peut faciliter ça pour d'autres personnes, je ne vois pas trop où est le problème.

"Les recrues vont s'adapter au nouveau groupe, et ça c'est intéressant"

Si on se projette sur la saison prochaine et cet été, quel mercato aimerais-tu ?

Ce qui me rassure, c'est que je suis à 99% sûr que je pense qu'on aura déjà une bonne sélection par rapport à Mickaël, par rapport à son réseau, par rapport au choix qu'il a fait l'année dernière. Encore plus à un niveau où j'allais dire, c'est plus facile. Tu peux plus repérer les gars, savoir d'où ils viennent, avoir les CV, avoir des références déjà à ce niveau-là. Donc, c'est plus facile d'identifier les gars et les profils que tu veux. Je pense qu'on aura quand même des joueurs, j'allais dire, reconnus sur le championnat de Ligue 2. Des mecs qui auront déjà quand même un vécu et des choses intéressantes. Ce qui est intéressant, c'est que maintenant que tu as déjà des gars en place, tu vas aller chercher des complémentarités, des choses que tu n'as pas. Par exemple, un peu de vitesse en défense centrale, un peu de taille aussi, un peu de jeu de tête. Donc les profils sont assez faciles à cerner pour moi. Et puis après, ce sera aussi en fonction éventuellement de ceux qui vont partir. Je pense que ce sont les arrivants qui vont s'adapter au nouveau groupe, et ça c'est intéressant.

Et la saison en Ligue 2, avec des gros poissons, mais aussi des clubs un peu moins huppés. Est-ce que tu penses que Nancy est condamné à se battre pour le maintien jusqu'au bout ?

Il faudra voir vraiment quand on aura toutes les forces en présence. Saint-Etienne risque d'être l'épouvantail avec un budget démesuré par rapport à tous les autres. Mais quand tu regardes derrière, je pense qu'il n'y a pas d'énorme complexe à faire par rapport à ceux qui restent. Si on se met à avoir les genoux qui claquent parce que tu as joué Pau, qui est là depuis 4 saisons… Donc, condamnés à se battre pour le maintien, non, je ne le pense pas. Maintenant, c'est aussi beaucoup le staff sportif qui me fait être optimiste sur le fait qu'ils auront aussi les clés pour ne pas qu'on passe une année à serrer les fesses jusqu'à la dernière journée.

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Emile Pawlik

Rédaction

Rédacteur FansOfNancy